Tout le
monde e(s)t un artiste.
Voila
comment je conçois le monde.
Je
crois à l’intelligence collective même si l’artiste est unique. Il est un
détonateur un accélérateur de particule. Nous sommes fait d’effet de masses et de répétions et pourtant les différences surnagent.
Regardez ce pécheur à la ligne.
Il est
semblable à ses semblables. Ni son apparence, ni sa technique divergent des
autres pécheurs. Et pourtant qu’est ce qui le fait veiller si tard au bord du
fleuve ? Qui connait son vrai objectif, sa vraie proie ? Nulle truite
ne le fait rêver. Sa quête est on ne peut plus poétique, c’est la Lune et son
reflet qu’il veut attraper. Ceux qui le connaissent l’appellent Pescalune.
Encore
un fada. Un de plus, dans ce bas monde. Non, l’illuminé à l’épuisette ce soir
est en train de révolutionner le monde. Il n’est pas sans charme. Son esprit
vacille bien trop vite pour le commun des mortels et pourtant tout le monde
peut comprendre son message. Il est une sorte de précurseur. Un genre nouveau
taillé dans d’ancien tissu. Il est fait de pacotille. Il ressemble ici en rase
campagne à un épouvantail. Il se prend pour un lonesome cowboy. Il va faire
émoustiller les masses d’ici peu.
Action,
réaction. La physique est bien connue. Toute sa vie il n’a fait qu’observer.
Rien ne peu le distraire maintenant. C’est bon signe. Il a de la suite dans les
idées. Tout est clair maintenant. Il attend juste le bon moment. L’apothéose
est proche. Il le sait. Ce n’est qu’une question de jours, voire d’heures. Il
veille avec attention. Sur le qui vive, pré à tout…
Sur une
autre rive, pré de là le monde, suit son cour. Les masses informes cherchent
une nouvelle distraction. Elles l’auront puisque la nature a horreur du vide, la société du spectacle sait se
régénérer. Son vitalisme est décapant ; elle agonise la société du
spectacle et ça lui sert à trouver de nouvelles figures, à renouveler son
cirque. Elle fait du neuf avec du vieux. Elle pue très fort et n’accepte pas
les odeurs des autres. Les masses moisies sont son terreau de prédilection. Le
marché aux fleurs du spectaculaire intégrée : c’est devant vous, trois
vielles idées décousues à vendre au plus offrant. Ça rapporte toujours quelques
choses, et puis les gens en redemandent. La société aiment ça, ça lui sert
bien. Circulez brave gens, vous verrez mieux dans votre petit confort douiller
la vie des autres s’étaler.
Le
pécheur de Lune est loin de ces préoccupations. Il cherche le moyen. Celui de
faire disparaître le reflet de l’astre nocturne. Il voudrait le capturer dans
un maigre filet. Parfois il le tient à main nu, mais il glisse alors très vite.
Le reflet est plus fort que tout. Un jour le pécheur s’attaquera à l’émetteur
d’image lui-même. Il projettera ainsi ses rêves dans un ailleurs. Il lui
faudrait trouver des espaces vides dans sa tête pour emmagasiner toutes ces
nouvelles sensations. C’est dur d’expérimenter chaque fois une inédite tentative et de ne pas pouvoir comme
il le faudrait valider ou non les hypothèses de départ. Il travaille comme un
scientifique, mais un scientifique sans mémoire ni calepin. Il a perdu depuis
très longtemps son carnet de notes. C’est pour ça qu’il répète. Il rabâche.
Mais
qui pourrait lui en vouloir. D’ailleurs il indiffère tout le monde. C’est bien
drôle son histoire, mais ça n’amuse personne.
Il vit dans l’indifférence la plus totale. Matin comme soir, il passe
devant tant de gens qui ne le voit pas. Même les enfants se sont layer de le
moquer.
Les
masses attendent ouvertement une nouvelle manière de voir les choses. Elles
sont avides de nouvelles théories. Ce n’est plus comme avant, où on mettait sur
la croix les messagers de bonnes nouvelles. Il est fini ce temps là, on a
inversé les valeurs, on cherche des révolutionnaires à tout les coins de rue.
Et plus on cherche, plus on se contente de fausses idoles. Non on ne s’en
contente pas, on les fabrique ouvertement. C’est ça le nihilisme de l’époque.
La nouveauté avant tout.
Le
pécheur de Lune est loin de nous autres maintenant. Son esprit vagabonde. Il
est retourné un instant à la ville pourtant. Pour des tâches bien
administratives, on veut lui montrer qu’on ne l’a pas oublié, qu’il ne peut se
soumettre à la réalité, la société doit rester la plus forte. Il courbe l’échine, son dos rond est une volute anarchisante. Il n’a rien d’un esclave, il
respire même la noblesse mais ce n’est pas maintenant qu’il doit faire preuve
de caractère, pas aujourd’hui. Il est un fin stratège, sa patience est son arme
fétiche. Sa virevolte sans cesse dans son esprit, mais en ce moment il se
calme. Il sait que lui seul pourra bander l’arc d’Ulysse. Alors il se cache déguisé
en mendiant.